PLB 144 Job 7-9
1 | Le sort de l'homme sur la terre est celui d'un soldat, Et ses jours sont ceux d'un mercenaire. |
2 | Comme l'esclave soupire après l'ombre, Comme l'ouvrier attend son salaire, |
3 | Ainsi j'ai pour partage des mois de douleur, J'ai pour mon lot des nuits de souffrance. |
4 | Je me couche, et je dis: Quand me lèverai-je? quand finira la nuit? Et je suis rassasié d'agitations jusqu'au point du jour. |
5 | Mon corps se couvre de vers et d'une croûte terreuse, Ma peau se crevasse et se dissout. |
6 | Mes jours sont plus rapides que la navette du tisserand, Ils s'évanouissent: plus d'espérance! |
7 | Souviens-toi que ma vie est un souffle! Mes yeux ne reverront pas le bonheur. |
8 | L'oeil qui me regarde ne me regardera plus; Ton oeil me cherchera, et je ne serai plus. |
9 | Comme la nuée se dissipe et s'en va, Celui qui descend au séjour des morts ne remontera pas; |
10 | Il ne reviendra plus dans sa maison, Et le lieu qu'il habitait ne le connaîtra plus. |
11 | C'est pourquoi je ne retiendrai point ma bouche, Je parlerai dans l'angoisse de mon coeur, Je me plaindrai dans l'amertume de mon âme. |
12 | Suis-je une mer, ou un monstre marin, Pour que tu établisses des gardes autour de moi? |
13 | Quand je dis: Mon lit me soulagera, Ma couche calmera mes douleurs, |
14 | C'est alors que tu m'effraies par des songes, Que tu m'épouvantes par des visions. |
15 | Ah! je voudrais être étranglé! Je voudrais la mort plutôt que ces os! |
16 | Je les méprise!... je ne vivrai pas toujours... Laisse-moi, car ma vie n'est qu'un souffle. |
17 | Qu'est-ce que l'homme, pour que tu en fasses tant de cas, Pour que tu daignes prendre garde à lui, |
18 | Pour que tu le visites tous les matins, Pour que tu l'éprouves à tous les instants? |
19 | Quand cesseras-tu d'avoir le regard sur moi? Quand me laisseras-tu le temps d'avaler ma salive? |
20 | Si j'ai péché, qu'ai-je pu te faire, gardien des hommes? Pourquoi me mettre en butte à tes traits? Pourquoi me rendre à charge à moi-même? |
21 | Que ne pardonnes-tu mon péché, Et que n'oublies-tu mon iniquité? Car je vais me coucher dans la poussière; Tu me chercheras, et je ne serai plus. |
1 | Bildad de Schuach prit la parole et dit: |
2 | Jusqu'à quand veux-tu discourir de la sorte, Et les paroles de ta bouche seront-elles un vent impétueux? |
3 | Dieu renverserait-il le droit? Le Tout-Puissant renverserait-il la justice? |
4 | Si tes fils ont péché contre lui, Il les a livrés à leur péché. |
5 | Mais toi, si tu as recours à Dieu, Si tu implores le Tout-Puissant; |
6 | Si tu es juste et droit, Certainement alors il veillera sur toi, Et rendra le bonheur à ton innocente demeure; |
7 | Ton ancienne prospérité semblera peu de chose, Celle qui t'est réservée sera bien plus grande. |
8 | Interroge ceux des générations passées, Sois attentif à l'expérience de leurs pères. |
9 | Car nous sommes d'hier, et nous ne savons rien, Nos jours sur la terre ne sont qu'une ombre. |
10 | Ils t'instruiront, ils te parleront, Ils tireront de leur coeur ces sentences: |
11 | Le jonc croît-il sans marais? Le roseau croît-il sans humidité? |
12 | Encore vert et sans qu'on le coupe, Il sèche plus vite que toutes les herbes. |
13 | Ainsi arrive-t-il à tous ceux qui oublient Dieu, Et l'espérance de l'impie périra. |
14 | Son assurance est brisée, Son soutien est une toile d'araignée. |
15 | Il s'appuie sur sa maison, et elle n'est pas ferme; Il s'y cramponne, et elle ne résiste pas. |
16 | Dans toute sa vigueur, en plein soleil, Il étend ses rameaux sur son jardin, |
17 | Il entrelace ses racines parmi les pierres, Il pénètre jusque dans les murailles; |
18 | L'arrache-t-on du lieu qu'il occupe, Ce lieu le renie: Je ne t'ai point connu! |
19 | Telles sont les délices que ses voies lui procurent. Puis sur le même sol d'autres s'élèvent après lui. |
20 | Non, Dieu ne rejette point l'homme intègre, Et il ne protège point les méchants. |
21 | Il remplira ta bouche de cris de joie, Et tes lèvres de chants d'allégresse. |
22 | Tes ennemis seront couverts de honte; La tente des méchants disparaîtra. |
1 | Job prit la parole et dit: |
2 | Je sais bien qu'il en est ainsi; Comment l'homme serait-il juste devant Dieu? |
3 | S'il voulait contester avec lui, Sur mille choses il ne pourrait répondre à une seule. |
4 | A lui la sagesse et la toute-puissance: Qui lui résisterait impunément? |
5 | Il transporte soudain les montagnes, Il les renverse dans sa colère. |
6 | Il secoue la terre sur sa base, Et ses colonnes sont ébranlées. |
7 | Il commande au soleil, et le soleil ne paraît pas; Il met un sceau sur les étoiles. |
8 | Seul, il étend les cieux, Il marche sur les hauteurs de la mer. |
9 | Il a créé la Grande Ourse, l'Orion et les Pléiades, Et les étoiles des régions australes. |
10 | Il fait des choses grandes et insondables, Des merveilles sans nombre. |
11 | Voici, il passe près de moi, et je ne le vois pas, Il s'en va, et je ne l'aperçois pas. |
12 | S'il enlève, qui s'y opposera? Qui lui dira: Que fais-tu? |
13 | Dieu ne retire point sa colère; Sous lui s'inclinent les appuis de l'orgueil. |
14 | Et moi, comment lui répondre? Quelles paroles choisir? |
15 | Quand je serais juste, je ne répondrais pas; Je ne puis qu'implorer mon juge. |
16 | Et quand il m'exaucerait, si je l'invoque, Je ne croirais pas qu'il eût écouté ma voix, |
17 | Lui qui m'assaille comme par une tempête, Qui multiplie sans raison mes blessures, |
18 | Qui ne me laisse pas respirer, Qui me rassasie d'amertume. |
19 | Recourir à la force? Il est tout-puissant. A la justice? Qui me fera comparaître? |
20 | Suis-je juste, ma bouche me condamnera; Suis-je innocent, il me déclarera coupable. |
21 | Innocent! Je le suis; mais je ne tiens pas à la vie, Je méprise mon existence. |
22 | Qu'importe après tout? Car, j'ose le dire, Il détruit l'innocent comme le coupable. |
23 | Si du moins le fléau donnait soudain la mort!... Mais il se rit des épreuves de l'innocent. |
24 | La terre est livrée aux mains de l'impie; Il voile la face des juges. Si ce n'est pas lui, qui est-ce donc? |
25 | Mes jours sont plus rapides qu'un courrier; Ils fuient sans avoir vu le bonheur; |
26 | Ils passent comme les navires de jonc, Comme l'aigle qui fond sur sa proie. |
27 | Si je dis: Je veux oublier mes souffrances, Laisser ma tristesse, reprendre courage, |
28 | Je suis effrayé de toutes mes douleurs. Je sais que tu ne me tiendras pas pour innocent. |
29 | Je serai jugé coupable; Pourquoi me fatiguer en vain? |
30 | Quand je me laverais dans la neige, Quand je purifierais mes mains avec du savon, |
31 | Tu me plongerais dans la fange, Et mes vêtements m'auraient en horreur. |
32 | Il n'est pas un homme comme moi, pour que je lui réponde, Pour que nous allions ensemble en justice. |
33 | Il n'y a pas entre nous d'arbitre, Qui pose sa main sur nous deux. |
34 | Qu'il retire sa verge de dessus moi, Que ses terreurs ne me troublent plus; |
35 | Alors je parlerai et je ne le craindrai pas. Autrement, je ne suis point à moi-même. |
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